Qiu Jin: poétique de la révolte d’une Antigone chinoise ?

  • Oriane Chevalier Université Clermont Auvergne / CELIS

Resumo

Qiu Jin 秋瑾 (1875-1907) est une poétesse révolutionnaire et féministe chinoise. Décapitée suite à une tentative échouée pour renverser le pouvoir impérial des Qing, elle est aujourd’hui considérée comme une martyre nationale, ayant sacrifié sa vie pour la liberté du peuple chinois et pour l’égalité entre les hommes et les femmes. Cet article se propose d’étudier la poétique de la révolte qui anime l’oeuvre de Qiu Jin en la rapprochant de la figure d’Antigone, héroïnes sacrifiant toutes deux leur vie pour protester contre un pouvoir tyrannique. Adoptant comme Antigone une posture ambivalente au sein de la structure familiale, abandonnant mari et enfants tout en défendant la piété filiale et la sororité, Qiu Jin cherche à redéfinir la place des femmes dans la société chinoise. Même si elle trempe sa plume dans l’oppression du peuple chinois en condamnant la dynastie des Qing et les puissances occidentales, la poétique de la révolte de Qiu Jin ne se retreint cependant pas à une fonction descriptive puisqu’elle revêt une fonction performative, visant à unifier la nation tout en oeuvrant à l’émancipation des femmes. Cette poétique se nourrit ainsi du baihua, langue vernaculaire chinoise, tout en s’appropriant des formes littéraires traditionnellement associées aux femmes telles que le tanci et en définissant de nouveaux modèles féminins. Maniant aussi bien la plume que l’épée, Qiu Jin se projette en nüxia des temps modernes, tout en s’inscrivant dans le sillage d’héroïnes légendaires rencontrées au fil de ses lectures. Il semble néanmoins que cet ethos poétique que se forge Qiu Jin infléchisse sa propre destinée en revêtant une fonction programmatique. Cet article offre ainsi un nouvel éclairage sur la poétique de Qiu Jin en montrant que la poétesse est progressivement envahie par l’ethos sacrificiel qu’elle a construit dans ses poèmes.

Publicado
2025-10-31